Qui demeure sur la rue St-Pierre à Chambly reconnaitra facilement cette maison. Mais j’attire particulièrement votre attention à droite de l’édifice, sur la voiture fourgon stationnée avec son cheval en attente.
Parmi nos lecteurs certains se souviendront de ce boulanger qui faisait la ronne de pain dans les rangs de Carignan et les rues de Chambly. C’était l’époque du pain à fesses, musclé, volumineux, non tranché. On était loin de la baguette maigre, parsemée de trous et légère qu’on apporte aujourd’hui sous le bras. Non ! Il avait le volume d’un chapon, dense et compact. Y avait du lest dans notre pain de campagne autrefois. C’était l’époque du pain qui faisait son poids, sans besoin de le peser, tout chaud, tout frais sorti du fournil. La miche de pain était consommée dans tous les foyers, voire à tous les repas. «Le boulanger Noël Breux en 1871 fabriquait annuellement 24 000 pains pour des revenus de 4 000$», soit 80 pains par jour, si on exclut les dimanches. Ce produit très communément répandu faisait partie, avec le bois de chauffage, des nécessités vitales. Ses variations de prix affectaient massivement les ménages. Rarement un produit avait-il été autant mis sous contrôle dans le passé. Depuis le meunier jusqu’au boulanger, on veillait au grain. «Vers 1800,l’acte des boulangers de Québec, Trois-Rivières et Montréal obligeait tout boulanger d’obtenir une licence et de verser une caution de £25. Le boulanger devait observer les règlements faits par les juges de paix. On précisait qu’il y aurait deux sortes de pain: le pain blanc fait de fleur fine et marchande, vendu en miche de 4 ou 2 livres, et le pain bis, de farine entière de 6 livres ou 3 livres» (Le Spectateur canadien, 18 avril 1815). Dans les villes, les juges de paix s’assuraient que les boulangers ne trichent pas sur les mesures de la miche de pain et vendaient au prix fixé par règlement, «sinon une amende de £1 à £10 sera imposée pour tout pain vendu en-dessous des dits poids». Puis la police du pain s’est relâchée. Selon les recensements de 1861, 1871 et 1881, les boulangers de Chambly utilisaient du houblon et des patates formant avec la farine de blé ou de seigle la matière brute pour la fabrication du pain. Paul-Henri Hudon Photographie: boulangerie de Théodule Dulude, archives de la SHSC. Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.