Les manifestations publiques ont toujours fait partie de l’histoire. Les processions religieuses d’autrefois, les pélerinages de groupe, tout autant que les cortèges royaux et les émeutes des croquants. Évidemment tout est dans l’intention. À la Fête Dieu, en juin, on n’allait pas casser des vitrines, mais plutôt vénérer, se courber, se prosterner. Gestes d’obéissance passive, s’il en est. Quant aux cortèges du roi, il s’agissait encore de vénérer, s’extasier, d’applaudir. Tiens, justement, Charles et Camilla ne sont-ils pas la pour ça? L’obéissance civile nous rappelle aussi ces images de l’enfance soumise, bien rangée, bien sage que nous avons connue.
L’histoire nous fournit de nombreux noms de désobéisseurs civils. Je nommerai Victor Hugo, qui a dû s’exiler pour échapper aux vengeances de Napoléon III. Il refusait de se taire, de jeter sa plume et de courber la tête, celui-là. Notre Louis-Joseph Papineau, qui tenait des assemblées politiques en 1837, malgré l’interdit du gouverneur. Nos objecteurs militaires, ces conscrits qui refusaient de se faire enrôler pour l’empire britannique. Ces passeurs d’alcool de contrebande au temps de la proscription, refusant le moralisme étroit de quelques politiciens. Il y en a eu, et de tous les genres, des désobéisseurs! Ceux qui me plaisent parmi les désobéisseurs de l’Histoire sont Charles de Gaulle, qui défia la république de Vichy. Je nommerai aussi Soltjenitsyne, les Polonais de Solidarnosc, les mères de la Place de Mai en Argentine. Chapeau! Le plus célèbre désobéisseur public restera Jésus de Nazareth. Il en a perdu la vie. Et ne pas oublier ces milliers de premiers chrétiens, ceux des catacombes, qui ont désobéi pendant près de trois cents ans (jusqu’à l’arrivée de l’empereur Constantin), refusant de courber la tête devant les lois des empereurs romains. «Pas de guerre, pas de jeux de cirque, pas d’enrôlement», qu’ils disaient, ces chrétiens des origines. Et quant on fait le décompte, comment ne pas conclure que la désobéissance civile fut la source des progrès humains. N’est-ce pas? Paul-Henri Hudon Illustration: Archives de la Société d’histoire de Chambly