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Des graphophones aux smartphones

By 10/04/2019May 9th, 2019No Comments

Il y a tout un monde entre ces premières boîtes de son et nos minitablettes modernes qui fascinent tant les jeunes. Il y a cent ans entre les deux. Assez d’années pour comprimer la technique et faire éclater les dimensions. Mais la fascination de nos grands parents, qui entendaient sur RCA Victor les voix de chanteurs gravées sur un record étaient tout aussi réelle dans les années 1910-20. Surtout là où la radio n’était pas accessible.

Mon grand-père possédait un de ces graphophones à manivelle qui avait survécu intact jusque dans les années 1950. Les dimanches après-midi pluvieux, p’pa sortait les lourds vinyles égratignés. Quelques tours de manivelle et la voix fluette d’Yvette Guilbert ou d’Yvonne Printemps résonnait dans les draperies de velours du salon. Je me souviens encore de la chanson Ramona, que mon père avait agrémentée de rimes un peu grivoises. Et comme il aimait forcer la note en chantant Le rêve passe, endisqué par Bérard! Nous, les enfants, enfoncés dans le chesterfield, on écoutait des musiques étranges qui détonnaient avec les airs de la Belle Chanson de l’abbé Gadbois, Parce qu’à l’école du rang, l’institutrice nous faisait chantonner À St-Malo, beau port de mer ou encore Les cloches du hameau. Ces purs chants d’école fleuraient le moyen âge. Tandis que les 78 tours cahoteux nous renvoyaient  Ma petite Tonkinoise, ou Viens, Poupoule, viens, des mélopées licencieuses que notre mère censurait. C’était au temps de Joséphine Baker, avant Maurice Chevalier, bien avant Tino Rossi. Bien sûr, on était fort loin, dans mon village de campagne, des guinguettes parisiennes et des cafés concerts Bon! Il reste pour les nostalgiques de la Belle Époque quelques beaux refrains souvenirs des Caf’concs du temps. Qui ne se souvient des airs très connus de La Madelon, Ah ! Le petit vin blanc, et C’est la Java bleue de Vincent Scotto. Ces graphophones permettaient, avant la radio, de rêver à d’autre monde, là-bas, à d’autres choses, loin. Le graphophone c’est comme ces pianos mécaniques qui se sont tus, paralysés,… et qui ne sont plus qu’objets d’antiquités. Ils étaient les grands rois de la chanson. Paul-Henri Hudon L’illustration provient du journal Le Canada-Français, édition du 3 juin 1920.     Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.