Ça se passait dans la région de Montréal dans les années 1830. Le tourbillon mondial des idées révolutionnaires d’alors a soufflé sur nos collèges.
«Il y a eu, écrit Mgr Lartigue, ces jours derniers, une petite révolution à la française dans notre collège de Montréal. On y a planté le drapeau tricolore et chanté des chansons antigallicanes. Mais tout paraît maintenant rentré dans l’ordre et la terreur a cessé de planer sur les maîtres». Pas si courte que ça la contestation! En effet, «après la Toussaint, pendant trois jours, les étudiants arborèrent le tricolore; ils suspendirent sur la façade du collège l’effigie d’un de leurs professeurs, M. Séry; ils placardèrent des exhortations aux élèves de persister dans la révolte. Ils dénoncèrent le directeur, comme un Charles X, et M. Séry comme un Polignac qu’il fallait déposer… ils réclamèrent le retour à une prétendue charte qui leur asurait le respect de leurs droits… tout cela au chant de la Collégiade, sur l’air de Mon père était pot…. Les élèves firent tenir leurs revendications en bonne et due forme aux autorités de la Maison…» (1) Au collège de Saint-Hyacinthe, en 1837, ce sont des jeunes ecclésiastiques insoumis qui regimbent. Bien que les troupes anglaises se soient installées dans les salles du collège, un esprit de sédition plane sur cet établissement. Mgr Bourget écrit au directeur du collège, M. Prince: «Soyez sur vos gardes par rapport à vos régents que l’on dit tenir des discours séditieux…» En effet depuis quelque temps, des bruits injurieux au collège de Saint-Hyacinthe circulent dans le public. «On reproche aux directeurs de cet établissement d’avoir approuvé la contrebande recommandée dans les assemblées patriotiques de l’été dernier; d’avoir émis des principes révolutionnaires et propres à justifier l’insurrection récente». (2) Au collège de Chambly, l’indiscipline étudiante et les craintes des représailles armées forcent les autorités à fermer l’institution en novembre 1837: L’évêque de Montréal s’indigne: «On me dit que le collège de Chambly est vide. Je désire savoir si cela est juste et vrai. Donnez-moi les détails que vous connaissez sur les troubles qui règnent chez vous, et dites-moi quelle espèce de danger vous aviez à craindre. Où sont maintenant vos ecclésiastiques ainsi que M. Brouillet? Si cette vacance forcée doit durer longtemps. Si les régents ont ordre de suivre quelque règlement et s’ils ont de quoi s’occuper pendant leur retraite. La campagne en ce moment ne vous paraît-elle pas plus à craindre que la ville où tout est tranquille?». (3) Le curé Mignault, supérieur du collège répond: «J’ai l’honneur de vous informer que j’aime mieux voir le collège fermé que d’y voir régner cet esprit d’indépendance qui s’y est introduit et qui prend sur les maîtres aussi bien que les élèves». (4) Et voila! La mondialisation ne date pas d’hier. S’indigner a été une réaction classique dans l’histoire. Paul-Henri Hudon (1). Olivier Maurault, Le collège de Montréal, 1767-1967, pages 122 à 124.(2). Chanoine C. O. Choquette, Histoire du Séminaire de Saint-Hyacinthe, 1911, pages 211 à 214.(3). Lettre de Mgr Bourget à M. Normandin, directeur du collège, 20 novembre 1837.(4). Lettre du curé Pierre-Marie Mignault, ADSJL, document 69, 17 mars 1838. Photo: le collège construit en 1871, celui occupé par les Frères de l’instruction chrétienne.