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Détrousseurs de tombeaux

By 10/04/2019May 9th, 2019No Comments

Membre et dirigeant de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly, l’auteur Raymond Ostiguy consulte régulièrement les journaux anciens afin d’alimenter ses diverses recherches. Voici l’étrange découverte qu’il a faite en parcourant les colonnes du journal La Minerve du jeudi 2 novembre 1843 (cliquez sur l’illustration pour l’agrandir).

On y annonce, dans un bref paragraphe publié sans titre, qu’«un sergent attaché à la garnison de Chambly, du nom de Campbell ou Cameron, mort dernièrement, fut enterré dans le cimetière catholique».   «Dimanche matin, on s’aperçut que la fosse avait été ouverte, le cercueuil brisé et le corps enlevé», ajoute le rédacteur de la nouvelle.   «Après de nombreuses perquisitions, il fut retrouvé intact dans une maison inhabitée du canton de Chambly, et inhumé de nouveau hier avec les honneurs militaires dans la commune, à la vue du fort et des sentinelles. On ignore encore qui sont les coupables d’une telle violation des tombeaux.»   Aurait-on affaire ici à ces détrousseurs de tombeaux qui volaient des cadavres pour les remettre aux étudiants en médecine?   Dans un article publié par la revue Le Médecin du Québec, le docteur Jean Milot rappelle qu’au 19e siècle, les étudiants en médecine des universités du Québec «devaient suivre pendant six mois un cours d’anatomie pratique. Ils devaient donc disséquer un certain nombre de cadavres pour obtenir leur diplôme, mais une autre loi leur interdisait formellement de se procurer des cadavres pour approvisionner les amphithéâtres de dissection.»   La solution à cette impasse juridique? «Agir dans l’illégalité et enlever des cadavres en défonçant les charniers et en forçant les couvercles des cercueils afin de trouver les corps qui conviendraient le mieux». Informé de cette trouvaille, Paul-Henri Hudon, président de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly, propose plutôt cette hypothèse: le cadavre de Fergus Campbell avait fait l’objet d’un fête d’Halloween.     Faut savoir, ajoute-t-il, que Chambly-Canton était davantage peuplé d’Anglais protestants, tandis que Chambly-Bassin, de francophones catholiques. Enterrer un Anglais du Canton, militaire de plus, dans le cimetière catholique des Français a fourni l’occasion de «bouter l’Anglais hors du pays», comme Jeanne d’Arc l’avait fait. On ignore s’il y avait eu auparavant  des mauvaises relations entre ce sergent et les Canadiens français du coin.   Entre Chambly-Canton et Chambly-Bassin, il y avait un terrain militaire contenant le fort et le cimetière du fort, appartenant à l’armée britannique, qui séparait les deux villages. Appelé ici banlieue du fort»et, dans La Minerve, la Commune, ce no man’s land était le terrain neutre idéal pour l’enterrer de façon définitive.   À partir des deux villages, on se faisait des mauvais coups, des rixes et des échauffourées de nuit entre les jeunesses des deux camps… C’est dans cet esprit là que le cadavre a servi de symbole.     Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.