Le 10 avril 1912, le Titanic quittait Southampton en Angleterre à destination de New York. C’était le voyage transatlantique inaugural de ce paquebot, le plus moderne de son époque et qu’on qualifiait d’insubmersible. «Dieu lui-même ne pourrait le couler», affirmait son constructeur.
Vers 23 h 40 le dimanche soir 14 avril, le Titanic heurtait un iceberg qui, en lui déchirant les flancs, le précipitera au fonds des mers. Il était autour de 2 h 30 dans la nuit du 15 avril quand le Titanic s’est enfoncé à jamais au fond de l’Atlantique Nord au large de Terre-Neuve. Ce désastre maritime demeure encore aujourd’hui le plus célèbre des temps modernes et toute une mythologie s’est développée autour de son histoire. Parmi celle-ci, l’héroïsme des musiciens occupe une place de choix. Un bon nombre de survivants ont décrits leur comportement ainsi que la musique interprétée au cours de cette nuit tragique. Ces musiciens étaient au nombre de six seulement. C’étaient P. C. Taylor, W. T. Brailey, J. L. Hume, G. Krins, W. Woodward et W. Hartley qui les dirigeait. L’élément le plus dramatique sans doute a trait à la majesté de leur comportement, n’abandonnant jamais leur poste, et cette note finale au moment ultime où le directeur Hartley commande à son orchestre « Nearer My God To Thee», cet hymne sublime composé par Sarah Flower Adams en 1841 : Nearer my Go to Thee..Through like a Wanderer,Daylight all gone,Darkness be over me… Or la réalité semble quelque peu différente. La musique populaire à l’époque était dominée par le rag ou ragtime. Tous les témoignages concourent pour souligner que l’orchestre jouait du rag au moment de l’impact et pendant les heures qui suivirent. Au moment de la descente ultime, des témoins ont affirmé entendre «Nearer my God to Thee» et c’est ainsi que la légende s’est accréditée. Or Walter Lord, qui a écrit abondamment sur le sujet et souspesé la crédibilité des divers témoins, a davantage retenu celui de l’opérateur sans-fil Harold Bride pour l’ensemble de ses témoignages qui se sont avérés les plus précis au cour de toutes les enquêtes publiques, et qui a soutenu qu’au moment ultime l’orchestre a jouée cet hymne de l’Église épiscopale, «Autumn». Walter Lord décrit cette minute ultime où le Titanic s’enfonce : «At this moment bandmaster Hartley tapped his violin. The ragtime ended and the strains of the Episcopal hymn «Autumn» flowed across the deck and drifted in the still night far out over the water» (p.113). Puis l’auteur ajoute plus loin: «Seen and unseen, the great and the unknown tumbled together in a writhing heap as the bow plunged deeper and the stern rose higher.The strains of «Autumn» were buried in a jumble of falling musicians and instruments… » (pp 119-120). Un concert hommage De toutes les légendes entourant l’histoire du Titanic, l’héroïsme des musiciens brille d’un éclat particulier. Ce drame humain a eu des suites immédiates puisque le mercredi 15 mai 1912, Madame Albani participait à la Cathédrale de Hereford à un concert hommage aux musiciens du Titanic. Une collecte spéciale de fonds se déroula pendant le concert. Elle est présentée ainsi: «The collection will be given to the Special Fund, which is being raised for the benefit of the dependants of the musicians, who died so nobly in the «Titanic» disaster». Tout le programme dénote noblesse et grandeur. La solennité du concert est remarquable. Pour sa part, Madame Albani interprète en premier lieu un air qu’elle affectionne particulièrement «Angels, ever bright and fair» tiré de l’oratorio «Théodora» de Handel. Cet air. elle l’a souvent choisi en reprise et c’est un air qu’elle a enregistré et qu’on peut entendre sur Youtube. Madame Albani se produit ensuite accompagnée du Choeur de la Cathédrale dans le Psaume LV de Mendelssohn «Hear my Prayer, O God». Ce programme de musique exécuté dans des circonstances dramatiques illustre aussi un élément important ayant trait à la carrière d’Albani qu’on disait avoir mis fin à sa carrière en 1911. Or ce programme, aussi spécial soit-il, contredit cette affirmation. Il y a donc lieu de croire qu’elle se serait produite en d’autres circonstances et que d’autres découvertes sont encore possibles. Il y a cent ans cette année, ce mois-ci presque, qu’avait lieu le naufrage le plus célèbre de l’histoire contemporaine et le nom d’Albani y est associé. L’histoire nous offre de ces surprises! Rédaction: Pierre Nadon Références – Hereford Archive, Hereford Council: «Programme of organ recital, no. 88 by Dr. Sinclair assisted by Madame Albani and the Cathedral Choir, on Wednesday, May 15th, 1912 at 2h30pm.». Hereford est situé à environ 200 km à l’ouest de Londres entre Birmingham, au nord et Bristol, au sud. – Walter Lord, «A night to remember», illustrated edition, Bantam Books, 1976. Note sur la photographie d’Emma Albani. Cette magnifique photo fut certainement prise en 1901. C’est une photo cabinet mesurant 10,5 cm par 16,5 cm de la London Stereoscopic Co.. Sa qualité est insurpassable puisque, d’une précision exemplaire, elle a conservé toute sa fraîcheur d’origine avec des contrastes vibrants. La revue londonnienne The Sketch en date du 13 février 1901 publie une photo en page 143 quelque peu différente mais datant de la même séance photographique. Elle est accompagnée d’une photo de Sir Walter Parratt, organiste privé de la Reine Victoria. On se rappellera que Victoria décède le 22 janvier 1901 et il se pourrait fort bien que ces photos soient associées et, par conséquent, que cette robe ait été portée par Albani aux funérailles et aux autres commémorations publiques associées à cet événement.