L’auteure de Bonheur d’occasion venait souvent à Chambly. Le 28 janvier 1958, elle écrit à son mari, Marcel Carbotte: «Hier soir, j’ai pris un autobus pour aller voir la petite Jacqueline et sa famille à Chambly Bassin. J’ai eu grand plaisir de la trouver bien installée, (… ) avec une petite maison bien à eux que Jean a construite. La maison du frère, Henri, et d’Angélique est tout à côté; ensuite il y a leur magasin, un emporium genre Steinberg assez considérable.»
Qui est cette Jacqueline que vient visiter la grande écrivaine et pour qui elle semble avoir tant d’affection? Il faut avoir recours à la biographie écrite par François Ricard, Gabrielle Roy, une vie, pour y trouver la réponse. Il s’agit de Jacqueline Deniset, dont la famille est originaire du Manitoba natal de Gabrielle Roy et avec qui l’écrivaine s’était liée d’amitié à Montréal. En mai ou juin 1944, raconte le biographe Ricard, Gabrielle Roy confie à son amie Jacqueline, alors secrétaire au Canadien National, le manuscrit de Bonheur d’occasion. À la page 263 de la biographie, Ricard relate la scène, d’après les souvenirs de Jacqueline : «Gabrielle tient son manuscrit dans ses deux bras comme un bébé, et déclare, en le lui remettant : Ou ça va passer inaperçu, ou ça va faire un malheur.» En 1953, au moment où elle tape le manuscrit d’Alexandre Chenevert, Jacqueline Deniset vit toujours à Montréal. Par la suite, elle vient s’installer à Chambly avec son mari, Jean Benoist. Les Benoist vivent toujours à Chambly en 1966 et reçoivent périodiquement la visite de Gabrielle Roy. Voici ce que cette dernière écrit à son mari, le 17 août 1966 : «Enfin, je suis arrivée pour dîner avec Jacqueline qui venait tout juste de rentrer à 7 heures. À cause des travaux en cours sur le pont Jacques-Cartier, elle met quelques fois deux heures à rentrer de Montréal. (…) Jacqueline m’a trouvé un motel assez près de chez elle, et, à première vue, assez bien. C’est Mon Repos, à Chamblyville. J’ai hâte d’explorer un peu la région, si le temps peut se remettre. J’ai revu avec plaisir, hier, les bords de la rivière Richelieu. Quelle douceur dans la nature! Mais les Benoist, qui ont eu le coup de foudre pour Petite-Rivière [Saint-François] et sont restés sous le charme, ne comprennent justement pas qu’ayant un chalet à Petite-Rivière [Gabrielle Roy avait une résidence dans Charlevoix], on puisse avoir envie de venir à Chambly! Pourtant, c’est bien le contraste toujours qui nous ouvre les yeux et renouvelle en nous l’enthousiasme.» Selon l’annuaire Lovell de 1966, un J. Benoit demeure au 745 Bourgogne, à cette époque. Deux marchés d’alimentation sont à proximité: celui de la famille Brodeur, bien connu, et celui de la famille Pelchat. Des détails sur cet emporium (une épicerie où il y a de tout) mentionné dans la lettre de 1958 et la famille Benoist seront les bienvenus à la SHSC pour compléter cette histoire. Rédaction : Louise Chevrier