À Chambly, le nom Cartier correspond à une petite rue au coeur d’un vieux quartier qui va son chemin de la rue Lapalme pour aboutir sur la rue Barré, dont elle semble être un prolongement, entre deux écoles primaires et leur parc respectif: Sainte-Marie et William-Latter. Cette rue veut honorer Jacques-Narcisse Cartier, maire de Chambly-Bassin en 1954 et 1955. Mort subitement à 65 ans, le 20 juillet 1955, il n’a pu faire véritablement sa marque comme maire. Il aurait habité la rue Martel, mais nous ignorons à quel moment il s’était établi à Chambly.
Avec Jacques-Narcisse Cartier, Chambly perdait un citoyen d’envergure. Né le 3 avril 1890, à Sainte-Madeleine, près de Saint-Hyacinthe, il appartenait à la grande famille Cartier de Saint-Antoine-sur-Richelieu. Il était le petit-cousin de l’homme politique George-Étienne Cartier. Son père, Antoine-Paul Cartier (1849-1934), était originaire de ce village de la vallée du Richelieu. Sa mère, Marie-Louise-Ernestine Lenoblet Duplessis, est apparentée à la famille du premier ministre Maurice Lenoblet Duplessis. Antoine-Paul Cartier était médecin. Il a été maire de Sainte-Madeleine et député conservateur au fédéral en 1892. De son côté, Jacques-Narcisse Cartier, qui a probablement étudié au Collège de Saint-Hyacinthe (nous n’avons pas retrouvé ce détail) se passionne pour la télégraphie sans fil. En 1913, il dirige la station de New York de la liaison Berlin-New York pour Telefunken. Il s’intéresse à la radiophonie et travaille auprès de Marconi en 1908-1910. Aviateur, il joint l’aviation britannique comme pilote et fera de l’espionnage radio pendant la Guerre de 1914-1918. À New York, Cartier s’est lié d’amitié avec David Sarnoff. C’est avec lui qu’il élabore le concept du broadcasting, une programmation radio destinée au grand public avec un contenu préalablement organisé: information, émissions culturelles, théâtre, opéra, musique. En 1922, La Presse obtient du gouvernement fédéral un permis pour une radio. Jacques-Narcisse Cartier vient d’y entrer comme journaliste. Il est l’homme tout désigné pour créer cette nouvelle station de radio: CKAC. Voici ce qu’en dit Pierre Pagé, historien, dans Histoire de la radio au Québec, information, éducation, culture (Fides, 2007): «Pour comprendre l’émergence à Montréal d’une institution culturelle comme la radio, il est important de connaître la pensée et les intentions des initiateurs qui ont fixé les orientations de départ. Jusqu’à maintenant, Jacques-Narcisse Cartier, le créateur de CKAC, la station privée qui a joué le plus grand rôle dans la vie des Québécois avant la guerre, demeure peu connu et seule une monographie historique lui a été consacrée. Lorsqu’on annonce, le 3 mai 1922, la création de la station CKAC par le journal La Presse, on marquait une date importante dans l’histoire de la société québécoise parce qu’elle signifiait la rencontre innovatrice entre une technologie moderne – la radiophonie -, qui se développait depuis deux décennies, et une expertise journalistique reconnue, celle d’un journal déjà devenu une institution nationale. Par cette rencontre, s’effectuant dans le monde socioculturel du Québec, on assiste à la naissance d’un nouveau média, la radiodiffusion. Pour inventer ce nouveau média québécois, (…) il fallait un homme exceptionnel, apte à développer cette synthèse nouvelle. Cet homme de la situation, parfaitement préparé à ce défi, c’était Jacques-Narcisse Cartier (…).» La programmation culturelle de CKAC sera d’une grande richesse. Le studio de radio, orné de tapis et tentures de velours digne d’un salon de l’hôtel Windsor ou du Ritz, sera le rendez-vous des politiciens, des financiers, des écrivains et des artistes, soutient l’historien Pierre Pagé. On y met en scène du théâtre, par exemple, Félix Poutré de Louis Fréchette, de l’opérette, Les Cloches de Corneville avec un orchestre de 25 musiciens, un choeur de 38 chanteurs et des solistes professionnels. On y installera même un orgue Casavant. Le samedi soir, CKAC diffuse de la musique de danse interprétée par les orchestres des navires amarrés dans le port de Montréal. Sous l’impulsion de Jacques-Narcisse Cartier, la radio offre à la population une vitrine culturelle immense. Mais, en 1927, Cartier doit quitter ce milieu pour soigner une tuberculose. Guéri, il retourne au journalisme. Il fera le voyage au-dessus de l’Atlantique à bord du célèbre dirigeable R-100, diffusant des reportages quotidiens. Par la suite, Jacques-Narcisse Cartier occupe le poste de directeur du journal L’Illustration, qui deviendra plus tard le Montréal-Matin. En 1947, il vend ses actions de ce journal au parti de L’Union Nationale et, par la suite, prend le contrôle du journal Le Canada. Il est élu maire de Chambly-Bassin en 1954. Des informations nouvelles sur la vie de Jacques-Narcisse Cartier à Chambly seraient les bienvenues pour compléter cet article. (Sources : Pierre Pagé, Histoire de la radio au Québec, information, éducation, culture, Fides 2007. Du même auteur, La radio dans la société québécoise. Autre source: La Mémoire du Québec.) Rédaction : Louise Chevrier