Thomas Richard Mills avait fait un mariage avantageux. Rien de moins que la fille du seigneur Samuel Hatt de Chambly. C’est pas peu dire. En effet, la charmante Emily Hatt (1817-…) épousait l’élégant lieutenant Thomas R. Mills du First King Dragoon Guards Regiment de Sa Majesté à l’église St. Stephen, le 21 mai 1843. Noces remarquables où l’on a bien bu! Elle était la troisième fille et dernière survivante de feu l’honorable Samuel Hatt (La Minerve, 1er juin 1843). Or, leur notaire confirme que ce couple «serait retourné en Angleterre» en 1850 (Paul Bertrand, 13 juillet 1850, vente à l’encan, La Minerve, 20 juin 1850). Nous savons qu’ils ont eu au moins deux enfants: William Mills, qui demeurait à Sheffield, comté d’York, en Angleterre, et Emily Mills, aussi à Exeter en 1871. (Paul Bertrand, 28 juillet 1871).
Mais qui est ce Thomas Richard Mills? et pourquoi retournera-t-il à son «home, sweet home» avec son épouse Hatt? Ce lieutenant était arrivé à Chambly avec le Premier régiment des Gardes-Dragons royaux de Sa Majesté britannique en automne 1838. Une partie de cette prestigieuse Garde Royale restera cantonnée sur la réserve militaire, près du fort, pendant cinq ans. Démobilisé, lorsque le régiment retourne en Angleterre en août 1843, Mills choisit Chambly comme terre d’adoption. Bien plus, il a des ambitions d’entrepreneur. Il s’était lancé en 1841 dans une manufacture de coton en copropriété, donnant façade sur la rue Richelieu actuelle. Projet audacieux à l’époque. Projet risqué pour des modestes investisseurs, sachant qu’il s’agissait de la première fabrique de coton au Canada à rivaliser avec la solide industrie américaine. Je souligne et je signe: il s’agit de la première manufacture de coton au Canada. Chapeau! Thomas Richard Mills, Richard Brock Hatt et Thomas Clark Hatt, ses beaux-frères, avaient inauguré une facterie de coton à Chambly vers 1841. Mills investissait 1 700 livres, Richard Brock Hatt et Thomas Clark Hatt fournissaient chacun 500 livres, cours actuel. Au recensement de 1842, on la décrit ainsi: «A cotton batting-mill and one manufacture of fonction martched both moved by water power». En 1845, l’Assemblée législative acceptait l’incorporation de deux filatures de coton: The Chambly Cotton Manufacturing Co. (le 29 mars 1845) and The Sherbrooke Cotton Factory (Debates of the Legislative Assembly of United Canada, Vol IV, 1844-45, page 2570) «Initially, the Chambly mill only produced cotton bats, but by 1846, it was producing 800 yards of cloth par day. The Sherbrooke mill, with 1 000 or 1 200 spindles, produced about 1 000 yards of cloth per day. Nothing is known on the subsequent history of the Chambly mill, but the Sherbrooke mill operated successfully until it burned about 1854». (A. B.McCullough, The Primary Industry in Canada History and Heritage, Environment Canada, 1992, 314 pages). Or, dès 1845, l’entreprise de Chambly bat de l’aile. En 1849, rien ne va plus dans le coton. La bâtisse est vendue. Elle est récupérée par les héritiers de William Yule. Elle servira à d’autres usages. Mills retourne en Angleterre, accusant sans doute plus de pertes que de bénéfices. Cette manufacture était située face à la rue Richelieu entre les rues St-Jacques et Willett, sur l’ancien lot no 26. Voyez sur la carte cadastrale de 1865, la section hachurée. Voyez aussi sur le terrain, les résidences actuelles qui accusent toutes une marge de recul significative par rapport à la rue. Pour plus d’informations, lire aux archives de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly, l’étude Le Chemin de fer à Chambly en 1873. Le rêve d’un essor industriel, par Paul-Henri Hudon. Cette recherche de 114 pages avait été primée au concours de la Fondation Percy-W. Foy en 2006. Paul-Henri Hudon