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Le temps des pommes… à Chambly?

By 10/04/2019May 9th, 2019No Comments

Notre région est reconnue pour être la grande productrice de pommes au Québec. De nos jours, les vergers qui nous entourent sont flanc de montagne comme à Mont-Saint-Hilaire ou Rougemont. Autrefois, pourtant, il y avait des vergers à Chambly. Une carte ancienne montre clairement que la propriété du seigneur Christie (située sur l’emplacement de la résidence Emma-Lajeunesse, face aux rapides) était entourée d’un verger.

Au tournant des XVIIIe et XIXe siècle, vergers et jardins ornent les domaines de l’élite bas-canadienne. Certains exploitent également des vergers commerciaux. L’époque est celle où se développe la pomologie, c’est-à-dire l’art de cultiver, d’entretenir et de tailler les pommiers. (1) À Montréal, la famille des marchands Guy, (apparentée aux Rouville de Chambly) possède de vastes vergers autour de l’actuelle rue Guy et fournit des arbres à planter. La famille Papineau notamment, possède aussi un verger.   Le 18 septembre 1817, Melchior Hertel de Rouville (2) écrit à Louis Guy (3) pour lui faire cette commande précise: «huit pommiers de Fameuse, huit de Bourassa, quatre gris (pommes grises), deux de roseau d’été et deux ou trois d’apis s’il est possible de s’en procurer, si non, vous y suppléerez par quelques autres espèces de votre choix. Tous ces arbres doivent être francs et achetés dans quelque pépinière canadienne car je n’en veux point de pépinière anglaise, en ayant acheté plusieurs fois et les ayant presque toujours perdus. Lorsque le temps de les arracher sera venu, vous me ferez le plaisir de les faire arranger pour le transport; et lorsqu’ils seront prêts, vous m’obligerez de m’en donner avis afin que je puisse envoyer une voiture qui, par ce moyen, ne sera pas retardé. Je vous prie surtout que ces arbres ne soient point jeunes.» (4)   Que de renseignements dans ce court extrait : variétés, provenance des arbres, époque de plantation et moyen de transport ! (La voiture envoyée par Rouville devra franchir le fleuve par bac, à partir de Longueuil.)   Monsieur de Rouville ne profitera pas de ses nouvelles plantations, car il meurt le 30 novembre suivant. Son épouse, Marie-Anne Hervieux, meurt en janvier 1819 et quelques semaines plus tard, un inventaire des biens est dressé par le notaire Boileau qui note : deux minots de pommes Bourassa et deux minots de pommes grises. Cette dernière variété servait à  la fabrication du cidre.   Melchior Hertel de Rouville décrivait sa propriété de la manière suivante dans une lettre à François Baby, le 6 décembre 1797 : «… l’établissement où je demeure à Chambly, d’à peu près trois arpents en superficie, avec les bâtiments et verger, pouvant valoir de 4 à 500 louis (livres).»   Le verger de monsieur Boileau   Les Boileau, grande famille bourgeoise de Chambly, exploitaient un verger qui était situé le long de l’actuelle rue Maurice, là où se trouve aujourd’hui un poste d’Hydro-Québec. Vraisemblablement planté par René Boileau père (5), il aurait compté entre 600 et 700 arbres. Plusieurs contrats d’engagement de jardiniers montrent l’importance de ce verger de deux arpents par cinq.   En 1804 et 1805, monsieur Boileau signe un bail avec le jardinier Jean Cheidler qui a pour instructions de planter ou remplacer les pommiers, entretenir les clôtures, etc. Le verger est toujours en exploitation en 1818 puisque le 14 juillet, monsieur Boileau engage signe un bail avec le jardinier Antoine Gauthier dit St-Germain: «Ledit preneur aura à son profit pour jardiner un morceau de terre d’un arpent et demi de terre de haut sur toute la largeur de la dite terre à pendre à la devanture (les pommiers et leurs fruits réservés au profit du dit bailleur)….  s’oblige ledit preneur d’avoir soin du verger, du bois et de toute ladite terre, sera tenu aider audit bailleur à tailler les pommiers … et à planter ceux que ledit bailleur voudra planter… ne pourra ledit preneur mettre aucun animal dans le verger, même dans le morceau de terre qui lui est alloué pour jardiner, ni ailleurs excepté dans le morceau qu’il pourra défricher.»   Comme on sait également que monsieur Boileau produisait du miel en assez quantité (retrouvé dans son inventaire de 1819), il est vraisemblable également que les ruches aient été installées dans le verger en question.   Louise Chevrier   (1) Je renvoie le lecteur au livre de Paul-Louis Martin, Les Fruits du Québec. Histoire et traditions des douceurs de la table, Septentrion 2002.(2) Jean-Baptiste-Melchior Hertel (1748-1817), seigneur de Rouville, réside à Chambly depuis 1789, dans le secteur dit du Canton. La SHSC identifie la maison en pierre du 27 Richelieu comme étant sa résidence.(3) Pour en connaître plus sur la famille Guy, consulter l’article Pierre Guy dans le Dictionnaire biographique canadien (DBC).(4) L’original de cette lettre est aux Archives de l’Université de Montréal, Collection Baby, U-5722-P2. Une transcription existe aux Archives du Séminaire de Trois-Rivières.(5) René Boileau père (1756-1831), député de 1792 à 1796. René Boileau fils (1779-1842) est notaire à Chambly et patriote. Lire Les Boileau, une dynastie de village, cahier numéro 25, Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. Les minutiers des notaires René Boileau, Joseph Demers, François Pétrimoulx et Basile Larocques ont également été consultés pour cet article.   Image: Monsieur René Boileau, oeuvre de la peintre Rita Mount (1888-1967).     Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.