En 1829, la jeune Américaine Eliza Akin (1), séjourne à Chambly avec quelques autres jeunes filles d’Albany pour étudier à l’école de Madeleine Brousseau. Ces demoiselles de la grande bourgeoisie new-yorkaise viennent chez nous pour y étudier le français, à l’instigation sans doute du curé de l’époque, Pierre-Marie Mignault, dont on peut admirer la statue devant l’église Saint-Joseph, rue Martel. Six lettres inédites d’Eliza Akininous sont parvenues et parlent du séjour de ces demoiselles à Chambly.
Madeleine Brousseau, originaire du Cap-de-la-Madeleine, est à Chambly en 1827 et fait l’acquisition un emplacement aux environs de l’actuel carrefour giratoire et de la rue Martel et sur lequel se trouve déjà une maison. Elle fait effectuer quelques travaux puis ouvre son école. Dans cette aventure, elle s’est associée à Ursule Vaillancourt, célibataire tout comme elle. L’homme d’affaires de Saint-Luc Gabriel Marchand, père du futur premier ministre du Québec Félix-Gabriel Marchand, n’hésite pas à inscrire ses filles à cette école. Il n’a que des louanges pour les demoiselles Brousseau et Vaillancourt comme en témoigne l’article publié dans La Minerve du 15 septembre 1828. «Ce n’est pas que je pense qu’il soit possible d’ajouter à la respectabilité de l’École de Demoiselles, établie à Chambly par les demoiselles Brousseau et Vaillancourt, sous la protection de Messire Mignault.(…) qu’il me soit permis de dire que les progrès que font les enfants y font sont étonnants.» L’école de Demoiselles est l’une des nombreuses académies de jeunes filles, petites écoles privées qui étaient parfois des pensionnats, qui se sont multipliées au Québec pendant la première moitié du XIXe siècle. Bien avant les fameuses écoles de rang qui fleuriront dans les campagnes québécoises à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, ces écoles révèlent l’existence des premières institutrices laïques québécoises. À l’exemple des institutrices anglaises qui sont venues s’établir au pays pour ouvrir des écoles privées, des Canadiennes instruites découvrent la possibilité de gagner leur vie grâce à l’enseignement. Ces premières enseignantes sont des femmes instruites, soit célibataires ou veuves, mais parfois mariées comme Luce Bruneau, épouse du musicien Toussaint Cherrier et belle-sœur de Louis-Joseph Papineau, qui a tenu des écoles à l’Assomption et à Montréal. La présence de ces écoles reflète les préoccupations d’une société qui se soucie de plus en plus d’instruction. Les jeunes filles y apprennent la grammaire, des rudiments d’anglais, de géographie, de mythologie, de dessin, de broderie, de peinture et de musique. En fait, le programme varie selon les connaissances de l’institutrice. Il faut se rappeler qu’à cette époque chaque paroisse ne possède pas nécessairement une école publique. À Chambly, les enfants des classes nobles et bourgeoises reçoivent une éducation à la maison avant de fréquenter le couvent ou le collège. En 1801, la loi de l’Instruction royale fera naître les premières écoles publiques, c’est-à-dire que l’État offre de payer le salaire d’un instituteur. À Chambly, deux écoles, une française et une anglaise, verront le jour en 1818, sous l’égide du curé Mignault. Plus tard, en utilisant la loi des écoles de Fabrique de 1824, le même curé fonde un collège privé de garçons en 1825. Le couvent des filles n’arrivera qu’en 1855 (actuel Centre administratif de la Ville, 56, rue Martel). Outre l’académie de Madeleine Brousseau à Chambly, il existait une école semblable à Saint-Mathias, tenues par les demoiselles Davignon, sœurs du médecin patriote Joseph Davignon. Devant l’édifice du 56, rue Martel, une effigie représentant les demoiselles Brousseau et Vaillancourt à la mémoire des deux premières institutrices laïques de Chambly. Louise Chevrier (1) Eliza Akin était la nièce du gouverneur de l’État de New York de l’époque, Enos Thomson Throop. Ses lettres sont conservées aux archives de l’Université de Rochester. Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.