Dans les temps actuels, nous pouvons payer des intérêts allant jusqu’à 20% et 24% de la somme empruntée. C’est légal, c’est admis, c’est fréquent. Bien plus, le créancier encaissera d’abord les frais de crédit avant d’amortir le capital prêté. De sorte qu’après X mois de remboursement, le débiteur doit toujours la presque totalité de la somme empruntée. Et nous ne parlons pas ici des prélèvements faits par des “shylocks” ou des requins de la finance occulte.
Au temps de nos ancêtres (avant 1860), il aurait été mal vu de soutirer de tels montants exagérés. L’usurier aurait été pointé du doigt et dénoncé. «Il faut tenir pour maxime que tout intérêt perçu d’un argent prêté est usuraire et conséquemment défendu…» (Jean-Pierre Wallot). C’était la doctrine universelle prônée depuis l’Antiquité chrétienne, comme étant contraire à la justice et à la charité. Cette prescription était aussi appliquée en pays musulmans, voulant qu’un esprit de fraternité tende plutôt à la générosité qu’au profit. Étonnamment la logique communiste voulait interdire les taux d’intérêt, mais pour des raisons différentes, travaillistes. Le profit et l’intérêt constituaient pour les communistes une exploitation capitaliste, puisqu’ils ne sont pas générés par le travail ou un service, prétendait-on. Donc non recommandables. Autrefois, l’unique taux d’intérêt était déterminé par l’État royal et demeurait fixe pour tous. À 5% sous le régime français; à 6% sous le régime britannique. De plus l’Église veillait scrupuleusement sur les frais de crédit, réprimandait les usuriers, et invitait les fidèles à se montrer réservé. Un député du Haut-Canada plaidait ainsi: «Je peux acheter un bien à 100$ et le vendre 125$, sans pécher, réalisant un bénéfice de 25%, mais je ne peux prêter un montant de 100$ qu’à 6% !!!». Le gouvernement du Canada-Uni, pressé par le lobby des banquiers du Haut-Canada, dont George Brown, a rendu les taux d’intérêt «libres et fluctuants» entre les années 1853 à 1860, tout comme aux États-Unis. Désormais les créditeurs et les débiteurs détermineront entre eux le coût de l’argent emprunté. Mgr Bourget émettra une lettre pastorale en 1861 sur l’usure: «Lorsque vous avez de l’argent à placer avec intérêt, défiez-vous de la cupidité qui voudrait vous porter à exiger plus que moins. Contentez-vous toujours de ce profit qui est réputé modéré». (La Minerve, samedi, 13 avril 1861). C’en était fini de l’antique interdiction, et des taux fixes, renvoyant plutôt les fidèles à leur conscience personnelle. Avant la libéralisation du crédit, un spéculateur pouvait emprunter au taux de 6% d’une institution canadienne et le prêter à 7 % ou 8% à une entreprise américaine. D’où un exode des capitaux. Après les «lois sur l’usure» et les dernières restrictions, les taux se sont mis à fluctuer… vers le haut évidemment. Dans la région de Chambly, nous avons recensé des emprunts par des habitants, assujettis à des frais de 12 % entre 1861 et 1865. D’où la multiplication des faillites agricoles et l’exode massif vers les États-Unis. Réflexions de nos ancêtres: Est-il moral payer des frais sur l’argent emprunté? Paul-Henri Hudon Illustration: Internet Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.