Ce que j’ai lu de plus inattendu depuis des lunes est ce singulier traité sur les portes: Ethnologie de la porte. Oui, les portes! Cette étude originale sur les portes et leur sens, sur leur symbole, fait part égale à l’écriture, à l’histoire et à l’ethnologie. Fort intéressant et ouvert sur la planète et sur le passé, ce livre! J’ai aimé. Désormais je ne verrai plus les portes comme avant.
On devrait faire l’histoire de nos portes. Celles qu’on ouvre et qu’on ferme pour passer d’un univers à un autre. La porte enferme, comme la porte des prisons. Mais la porte ouvre et libère. Elle dégage comme dans prends la porte. C’est la barrière qui sépare le dedans et le dehors, l’espace clos et l’espace ouvert. Une porte doit être fermée, sinon ce n’est pas une porte. Mais la porte est aussi un passage. On l’ouvre et on la ferme, c’est sa fonction unique de porte. On ne reste pas planté dans la porte. On enjambe le seuil de porte. On passe la porte, comme l’histoire qui avance sans reculer, le passé qui défile tendu vers l’avant. Ou au contraire, on se met en travers de la porte, ou bien on reste sur le pas de la porte à aspirer l’air frais. C’est alors l’histoire immobile, le temps qui s’arrête. C’est le temps contemplatif du renfermement. Oui, on pourrait faire l’histoire des portes. Il y a les portes cochères, les porches, les portails, les portiques et les portillons. Les portes d’arche, les portes de la ville. On connait aussi la porte Saint-Jean, la Sublime Porte, la porte des Anciens Maires de St-Hyacinthe, les portes du ciel et de l’enfer. Mais aussi les portes closes, les portes dérobées, les portes condamnées, les doubles portes, les portes coulissantes, les portes vitrées et les portes barrées. Les portes d’église face à l’orient. Les portes silencieuses des cimetières… Et encore les seuils de porte usés, les frontons ornementés de la porte. Des automobiles quatre-portes et des portes d’acier. On entre par la grande porte, mais on se garde une porte de sortie. On écoute aux portes ou on claque la porte. D’autres font du porte à porte. On connait des portes qui grincent, d’autres qui claquent au vent; signes de négligence. Il y a aussi les clefs de porte, les poignées de porte, les numéros de porte, les gonds, les serrures, les pentures. Et il y a les colporteurs, les portiers, les domestiques qui ouvrent les portes. Les cloitrés derrière les portes. Et les concierges qui veillent aux portes. Et la gloire du Seigneur entra dans la Maison par la porte qui fait face à l’orient… (Ezéchiel, 43, 4). Qui va ouvrir la porte à l’histoire des portes? Paul-Henri Hudon DIBIE, Pascal, Ethnologie de la porte, Métailié, 2012, 422 pages.Illustration: Archives de la SHSC, La porte d’arche de Chambly-Bassin, juin 1942. Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.