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Quand un instituteur de Chambly devient bucheron

By 10/04/2019May 9th, 2019No Comments

Un modeste professeur à Chambly-Canton abandonne sa craie et le tableau noir pour les sombres forêts du Témiscamingue.  L’Académie du Canton vient d’être construite (1873) rue Saint-Jacques. L’instituteur Joseph Guérin dit Lafontaine (1843-1922) abandonne une carrière de quinze ans au pupitre. Cet ancien élève avait même été maître de l’école Normale Jacques-Cartier (La Minerve, 30 octobre 1875; 1 février 1876). L’instituteur, accompagné de Cyrille Dumas, Napoléon Dumas, Gérard Benoit, Hormidas Dault et d’autres, fonderont la paroisse de Saint-Gérard-de-Montarville, appelée aussi Kiamika. On est en 1884. Cette initiative colonisatrice est née d’un projet du député fédéral de Chambly, Pierre-Basile Benoit (1831-1910).

Il faut préciser que l’époque déplore l’exode massif des Canadiens aux États-Unis, où on les emploie dans les filatures et les briqueteries. Le clergé, la presse, l’opinion publique encouragent l’ouverture de terres de colonisation. Vers 1820, avait débuté la reconquête des Cantons de l’Est. Plusieurs initiatives de défrichement verront le jour: «L’association de colonisation des comtés de L’Islet-Kamouraska» avait défriché des terres vierges au Lac Saint-Jean (c1845). Jérome-Adolphe Chicoine a fondé la «Société de colonisation de Saint-Hyacinthe et de Bagot» (c1875),  La «Société de colonisation de Montarville» (c1884), où l’on retrouve, parmi les 84 membres, le fils du député, Gérard Benoit et Joseph Guérin, qui fonderont une colonie à Kiamika sur la rivière La Lièvre. Qui ne se souvient du curé Labelle qui avait colonisé les Pays d’en haut (c1869). C’était avant la poussée vers l’Abitibi (c1910).   Lisons une partie du récit du défricheur Joseph Guérin: «Pour nous rendre à destination,il nous restait encore 27 milles à faire en pleine forêt. Nous devions passer par une toute petite route à peine défrichée… pour permettre aux membres de notre Société de se transporter par cette voie du Nominingue au Kiamika. Pas une seule habitation ne se trouvait sur ce chemin et, au moment d’y passer, il y avait quinze pouces de neige au moins et nulle trace de voiture… pour donner meilleur pied à nos chevaux, nous leur traçons la route en marchant devant eux, rangeant la neige avec nos pieds… Les loups, nombreux dans cette région, surpris sans doute et effrayés eux-mêmes du bruit infernal qu’ils entendent, hurlent comme des démons déchainés, tout près de nous. Peu accoutumés d’entendre pareils bruits, nos chevaux sont épouvantés autant que nous-mêmes. Ils se cabrent et c’est avec peine que nous pouvons les maîtriser. Il fait très noir. Nous ne voyions pas à dix pieds devant nous. (…) À la fin de février 1885, après m’avoir buché quinze arpents d’abattis, je congédiai mes deux bûcheurs, mes finances ne me permettaient pas de les garder plus longtemps. (…) Ayant été trois semaines dans mon voyage à Chambly, mon fils, Sam, resta seul au chantier tout le temps de mon absence. Le 17 mars, je revenais au Kiamika amenant avec moi deux de mes petites filles, Thérèse, âgée de huit ans et Marthe de dix ans qui remplacèrent Sam comme cuisinières. Au printemps, après un travail ardu, nous pûmes semer huit arpents de terre neuve en avoine et navet.L’avoine avait six pieds de haut à sa maturité et j’ai eu des navets qui pesaient dix-sept livres…» L’instituteur Joseph Guérin-Lafontaine avait eu des prédécesseurs, et il aura des successeurs. Des localités comme La Minerve, La Macaza, la Patrie tirent aussi leur origines de volontés colonisatrices. Et combien d’autres.   Paul-Henri Hudon Source: Roger Hétu, Histoire de Kiamika, 1884, dans Nos Sources, vol 16, no 3, pages 111 à 117.Illustration colorée. Archives de la Société d’histoire de Chambly, fonds Armand-Auclaire. On voit l’école à l’étage mansardé (1873), voisinant la chapelle catholique (1898).     Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.