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Toponymie: la rue Marie-Anne-Legras

By 10/04/2019May 9th, 2019No Comments

Dans les nouveaux quartiers de Chambly, cette rue en forme de loupe se trouve à l’ouest du carrefour giratoire des boulevards Anne-Le Seigneur et Fréchette.

Marie-Anne Legras, épouse de Jean-Baptiste-François Hertel, seigneur de Rouville, est un bel exemple d’une seigneuresse administrant les fiefs de son époux pendant qu’il est occupé ailleurs. Plusieurs documents démontrent qu’elle a été active: on la voit récupérer des rentes impayées, entreprendre des procédures judiciaires ou signer des ententes d’affaires.   Née à Montréal en 1696, Marie-Anne est la fille de Jean Legras et de Geneviève Mallet. Son père est marchand tanneur, une situation suffisamment élevée dans la société pour qu’elle puisse épouser, le 26 août 1733, à 35 ans, Jean-Baptiste-François Hertel de Rouville, l’héritier de la seigneurie de Rouville. Le nouvel époux est à la veille d’atteindre ses 25 ans, l’âge de la majorité: il est né à Montréal le 23 décembre 1708. Toutefois, il déclare en avoir 26 le jour de son mariage, moment où il veut prend en main son héritage qui comprend, outre la seigneurie de Rouville, deux fiefs appartenant à cette famille dans la seigneurie de Chambly-Est: le village de Pointe-Olivier (Saint-Mathias) est situé sur l’un de ces fiefs.   L’époux de Marie-Anne Legras est un militaire: il sera décoré de la croix de Saint-Louis pendant la guerre de Sept Ans. Mais auparavant, il occupe le poste de commandant du fort de Chambly. Il l’aurait été pendant vingt ans, selon son neveu, Jean-Baptiste Melchior Hertel de Rouville. Dans son livre Le fort de Chambly, l’historien Réal Fortin a documenté les périodes de 1747 à 1750, et de 1753 à 1760.   Une seigneuresse active   Pendant que son époux gagne ses galons militaires, Marie-Anne Legras est sa procuratrice et dirige les affaires de la famille.   Un litige oppose les Rouville à Charlotte Denys de La Ronde, veuve de l’ancien gouverneur de Montréal, Claude de Ramezay. Cette dame exploite un moulin sur la rivière des Hurons, elle se trouve donc à être la censitaire des Rouville. C’est pourquoi Marie-Anne Legras réclame les rentes seigneuriales impayées par les Ramezay, rentes que ne cesse de contester Charlotte Denys.   La veuve de Ramezay finit par passer de vie à trépas et c’est à sa fille célibataire, Louise de Ramezay, que reviendra l’administration du moulin de la rivière des Hurons.   En 1745, Marie-Anne Legras et Louise de Ramezay signent une entente pour la construction de deux moulins. La seigneuresse de Rouville doit fournir le terrain et les arbres, mademoiselle de Ramezay se charge de l’exploitation des moulins et s’engage financièrement dans l’entreprise. Ces dames renonceront à leur entente en 1760.   Marie-Anne Legras semble faire preuve d’un bon sens des affaires puisque même son jeune beau-frère, Louis-Antoine Hertel de Rouville lui donne une procuration pour «gouverner ses affaires», en 1747.   La seigneurie change de main   Marie-Anne Legras et Jean-Baptiste-François Hertel de Rouville ont eu trois enfants, des filles qui ne vivront pas. Le seigneur de Rouville et coseigneur de Chambly-Est n’a donc pas d’héritiers directs, mais il avait trois frères: Louis-Antoine, parti pour la France, est mort en 1761; Jacques-Michel est parti à la Nouvelle-Orléans, sans espoir de retour.   Reste le benjamin de la famille, René-Ovide, père d’un fils, Jean-Baptiste Melchior. En 1772, le jeune homme, qui était en France avec le régiment du Languedoc, est de retour au pays.   Le 18 août 1772, dans une entente sous seing privé rédigée à Chambly, Jean-Baptiste-François Hertel de Rouville fait donation de ses biens à son cadet René-Ovide (ils ont douze années de différence).Ce faisant, monsieur de Rouville l’aîné s’assurait que les biens nobles demeuraient dans la famille seigneuriale.   Attachement à Chambly   Jean-Baptiste-François Hertel de Rouville et Marie-Anne Legras ont sans doute vécu de nombreuses années à Chambly. Les registres paroissiaux de Chambly et Saint-Mathias témoignent de leur présence entre 1742 et 1765. Le couple seigneurial est propriétaire d’esclave: le 29 juin 1763 est baptisée puis inhumée Marie-Anne, âgée d’environ 35 ans «sauvagesse Siouse appartenant à M. de Rouville».   En 1765, monsieur de Rouville est recensé à Chambly par le père récollet Félix Berey, le curé de la paroisse qui est chargé par le gouvernement de faire un recensement.     Dans l’entente de 1772, monsieur et madame de Rouville demandent qu’on leur laisse «jouïr pendant leur vie de la maison et de l’emplacement situés au canton de Chambly» et se réservent les honneurs du banc seigneurial dans l’église paroissiale de la Pointe Olivier.   Jean-Baptiste-François Hertel, seigneur de Rouville, est mort à Montréal; il a été inhumé le 17 mars 1777, dans la chapelle Sainte-Anne (registre Notre-Dame de Montréal). Marie-Anne Legras l’avait précédé en 1776.   Louise Chevrier   Principales sources: Le fort de Chambly et Louise de Ramezay et son moulin à scie, Réal Fortin, Les cahiers du Septentrion, Septentrion 2007 et 2009, les registres paroissiaux de Saint-Joseph-de Chambly et Notre-Dame de Montréal, le Dictionnaire biographique canadien.     Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.