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Un diocèse à Chambly

By 10/04/2019May 9th, 2019No Comments

On sait que le gouverneur de Québec, Frontenac, avait rêvé qu’on établisse à Chambly un gouverneur. Mais on ignore qu’un rêve semblable a existé pour l’érection d’un diocèse sur la rive sud avec un évêché à Chambly.

Voici la situation: En juin 1852, le diocèse de Saint-Hyacinthe est fondé officiellement. Mgr Jean-Charles Prince (1804-1860), directeur du collège au même endroit, en devient le premier évêque. La même année 1852 un prêtre de Chambly, Joseph Larocque (1808-1887), est nommé évêque coadjuteur du diocèse de Montréal. Ce dernier deviendra le deuxième évêque de Saint-Hyacinthe en 1860. Il sera suivi de Charles Larocque (1809-1875), aussi natif de Chambly, qui sera institué troisième évêque de Saint-Hyacinthe.   Or, en 1854, le curé Pierre-Marie Mignault, fondateur du collège de Chambly, envoie à Monseigneur Bourget une lettre demandant que la partie du diocèse située du côté du sud du Saint-Laurent soit érigée en diocèse séparé. «Je suis en partie l’auteur de cette démarche», avoue-t-il. Mais il concède que la requête est «loin d’avoir été présentée à tous les prêtres concernés en cette affaire». Ceci pour ménager des intérêts et pour éviter les disputes de lieux. «Mais je m’estimerais heureux, si avant de mourir j’avais contribué à faire donner à ma chère paroisse de Chambly un évêque pour pasteur particulier.» Et voilà l’idée lancée, qu’aurait déjà exprimée un haut cardinal de la curie romaine. Chambly pourrait être le siège d’un évêché.   Comment ne pas percevoir une amertume, un malaise, pour ne pas dire une frustration refoulée, de la part du curé Pierre-Marie Mignault (1784-1868), alors que des prêtres natifs de Chambly se voient promus à des fonctions épiscopales et affectés dans les diocèses voisins. Alors qu’il a dû, lui, se contenter du titre d’archiprêtre et de grand vicaire, il aurait pu aspirer à une fonction d’évêque coadjuteur. On a choisi Jean-Jacques Lartigue en 1820, puis Mgr Signay en 1826, et Mgr Bourget en 1837 comme auxiliaires aux évêques des diocèses de Québec. Lui, on l’a oublié. Le curé Mignault, plus jeune, avait-il aspiré à une promotion ecclésiastique, quand il avoue dans sa lettre: «À mon âge on est à l’abri de tout soupçon d’ambition ou d’intérêt personnel. J’aurai bientôt 70 ans, Monseigneur»?   Pour mettre du poids dans le trébuchet, le curé annonce qu’une voisine âgée, une mécène pieuse et riche, la veuve Bresse, Marguerite Sabatté (1777-1858) promet son établissement pour l’évêque. Sa prestigieuse maison de pierre servirait d’évêché. Mais la veuve décède en 1858.   Il n’y aura jamais d’évêché à Chambly, ni d’évêque-maison. La résidence Bresse sera remise par l’héritière, Clémence Sabatté (1791-1868), aux Soeurs Grises. Elle deviendra un hospice pour vieillards et orphelins (voir la photo). Le curé Mignault mourra en 1868 sans voir un évêque dans le… diocèse de Chambly.   Paul-Henri Hudon   Références: Archives du diocèse de Saint-Jean-Longueuil, pièce 1A-162. Illustration, L’hospice de Mme veuve Bresse avant 1965. Actuellement au 100, rue Martel. Archives de la Socété d’histoire de la seigneurie de Chambly. – + – + – Chambly, lettre du curé Pierre-Marie Mignault à Monseigneur Bourget, 29 mai 1854   Je prie Votre Grandeur d’accueillir la requête ci-jointe avec bienveillance demandant que la partie du diocèse située du côté du sud du Saint-Laurent soit érigée en diocèse séparé.   Je n’ai pas besoin de dire à Votre Grandeur ce qu’elle sait déjà, savoir que je suis en partie l’auteur de cette démarche. Les motifs qui m’ont fait agir, exposés en la requête, me dispensent de la justifier et, si Votre Grandeur jugeait à propos de ne point accorder cette demande, parce que j’ai fait tout mon possible pour éviter que rien, ni dans le fond, ni dans la forme ne fut contraire au respect et à l’obéissance que tous les autres signataires de la requête, aussi bien que moi-même, reconnaissent vous devoir comme à un digne et vénéré supérieur. Cette demande est d’ailleurs, comme vous savez mieux que moi, Monseigneur, dans les idées de la Cour de Rome. Le cardinal Fransani ayant exprimé à ce sujet en deux fois différentes, comme j’en ai été informé, une opinion que vous connaissez et qui m’a inspiré confiance en ma démarche.   L’Église semble vouloir se rapprocher de son ancienne discipline. Dans notre siècle, en multipliant les évêques, la jeune Église des États-Unis doit son importance à son nombreux épiscopat.   J’aurai bientôt 70 ans, Monseigneur; à mon âge on est à l’abri de tout soupçon d’ambition ou d’intérêt personnel dans des mesures comme celle que j’ai l’honneur de soumettre à Votre Grandeur; et l’on dit en conséquence plus ouvertement ce que l’on regarde comme la vérité. Cependant j’ose me flatter que Votre Grandeur n’aura point à reprocher à mes cheveux blancs de m’avoir fait oublier les égards et les ménagements avec lesquels j’ai su toute ma vie parler à mon évêque.   J’ai à observer que la requête ne porte pas un très grand (nombre) de signatures, mais ceci n’est pas une preuve que le clergé de cette partie du diocèse n’est pas généralement favorable à la formation d’un nouveau diocèse de ce coté-ci du fleuve. S’il y avait moyen de placer l’évêque demandé dans chacune des localités qui aspire à devenir le siège épiscopal, pas un seul prêtre du sud n’aurait voulu que son nom manquat dans la requête. C’est justement le cas d’une nouvelle paroisse à établir; tous les intéressés désirent bien cette paroisse, mais où seront placés le presbytère et l’église?  Cette question de détails met en jeu une foule de petits intérêts privés qui ralentissent et quelque fois paralysent tout-à-fait le zèle d’un grand nombre qui sont au fond très portés pour la mesure principale. Je dois aussi dire que la requête est loin d’avoir été présentée à tous les prêtres concernés en cette affaire.   Quant à moi, Monseigneur, j’avoue franchement que je m’estimerais heureux, si avant de mourir j’avais contribué à faire donner à ma chère paroisse de Chambly un évêque pour pasteur particulier. Mais si la volonté de Dieu accordant aujourd’hui l’évêque sollicité, trouvait à propos de le placer ailleurs, je ne l’en bénirais pas moins, et quand viendrait le moment, je dirais encore de tout mon coeur: Nunc dimitis (Alors je renonce).   Je ne terminerai pas sans ajouter que Mme Bresse promet son établissement pour l’évêque.