Nos amis, les Bretons, qui depuis si longtemps déversent sur nous les reproches des plus amers sur notre peu d’activité et d’aptitude aux arts et aux sciences, n’ont pas toujours lieu de se féliciter de leurs propres entreprises. Le fait que je vais rapporter prouvera que parmi nous l’on peut trouver des hommes habiles, entreprenants et qui, s’ils y étaient portés, pourraient au besoin égaler, sinon surpasser les artisans dont les pays étrangers se font gloire. Je ne veux pas donner cela seulement dans le but de prouver que l’esprit d’entreprise bien dirigé fait vaincre des difficultés qui auraient rebuté probablement un homme moins persévérant que monsieur Antoine Foisy.
Il s’agissait de transporter un vaisseau à deux mâts du port de 90 tonneaux, de 80 pieds de long, 15 pieds de large et 5½ de hauteur du bassin de Chambly au canal, séparés par une distance de près de 1 300 pieds sur une déclivité de 32 pieds; cette inclinaison est coupée par deux éminences, l’une de 20 pieds et l’autre de 12. Trois entrepreneurs bretons commencèrent et abandonnèrent ce travail, disant qu’il était impossible d’y réussir. Ils avaient cependant assez fait pour placer ce bâtiment dans une situation telle qu’il paraissait également impossible, soit de le remettre à flot sur le canal, soit de le faire parvenir à sa destination. Un jeune canadien du nom d’Antoine Foisy dit Frenière de Chambly, après avoir examiné le travail, offrit de transporter ce vaisseau au canal en quinze jours, moyennant la somme de 50 £, ce qui fut accepté. Il se mit à l’œuvre. Ses premiers essais furent lents, chacun commençait à douter de la réussite de cette entreprise. Un connaisseur en ces sortes d’ouvrages, un Anglais, ayant vu où en était l’ouvrage, décria gravement qu’il coûterait autant pour transporter ce vaisseau au Canal que d’en construire un neuf. Foisy reprend cependant un nouveau courage et malgré le mauvais temps qui rendait ses manœuvres difficiles, parvint enfin à son but, et hier, 28 août, on eut le plaisir de voir ce vaisseau chargé de passagers partir pour Saint-Jean. Je me dispense de commentaires. Qu’il suffise de faire remarquer, comme je l’ai dit plus haut, que M. Foisy mérite des éloges pour sa persévérance qui l’a fait triompher d’obstacles nombreux et difficiles qui eussent peut-être arrêté toute autre personne. Un témoin (La Minerve, jeudi, 3 septembre 1835)