À l’heure où la Nouvelle France est sur le point de basculer dans le giron britannique, en 1760, à Beaumont, près de Québec sur la rive sud, trois familles Nadeau vivent paisiblement. Précisons que ces trois familles Nadeau sont doublement apparentées; qu’elles ont toutes plusieurs enfants; et que l’un des pères de famille, Joseph Nadeau, capitaine de milice, meunier de son métier, est veuf de sa seconde épouse depuis mars 1760.
Donc trois garçons de Denis Nadeau et de Charlotte Cassé vont épouser trois filles de Zacharie Turgeon et d’Isabelle Roy. Trois frères mariés aux trois soeurs: – Jean Nadeau (1697-1769) épousera Louise Turgeon (1706-1791) à Beaumont, le 13 janvier 1727.- Joseph Nadeau (1698-?) avait épousé Angélique Turgeon (1701-1750) à Beaumont, le 12 janvier 1723. Il épousera en secondes noces, Marie-Anne Harnois en 1751. Cette dernière épouse décèdera le 20 mars 1760.- Antoine Nadeau (1711-1763) épousait Marguerite Turgeon (1711-1763) aussi à Beaumont, le 6 mai 1726. Or, contrairement à ses frères et aux épouses Turgeon, on ne trouve pas l’acte de sépulture de Joseph Nadeau. Il n’aurait pas eu de funérailles religieuses, semble-t-il. Et pour cause. Le corps aurait été subtilisé et inhumé on ne sait où ! Alors voilà que l’histoire devient frémissante. Ce Joseph Nadeau aurait été pendu aux vergues de son moulin à vent, selon Philippe Aubert de Gaspé, (à une poutre de son moulin, dit un autre témoin), selon les ordres de Murray, au cours du régime militaire. L’historien Gaston Deschênes précise que ce fut le 29 mai 1760. Rappelons qu’au printemps 1760, le sort de la colonie était encore indécis. Lévis vient tout juste de battre Murray lors de la bataille de Ste-Foy. Les troupes anglaises sont assiégées dans la ville de Québec et on attend les secours qui arriveront d’Europe sur le St-Laurent. Nous savons que c’est la flotte anglaise qui apparaitra au-delà de l’ile d’Orléans au mois de mai 1760. Et Lévis lèvera le siège; il retournera à Montréal, suivi de près par les troupes anglaises. Il est arrivé pendant ce temps que le meunier Joseph Nadeau a désobéi aux ordres de l’occupant britannique. On avait interdit aux meuniers de fournir des vivres à l’armée française. Le veuf Joseph Nadeau, 62 ans, s’était laissé emporter dans son rôle de chef de la milice. Non seulement il aurait approvisionné les troupes, mais aurait poussé le zèle jusqu’à la révolte des citoyens contre le nouveau régime. On croit qu’il aurait aussi accompagné Lévis à Ste-Foy et pendant le siège de Québec. L’occupant a fait de ce résistant un exemple, semble-t-il. Ce qui intéresse Chambly dans cette affaire, c’est qu’un neveu de Joseph Nadeau, Louis Nadeau, né à Beaumont en 1732, fils d’Antoine Nadeau et de Marguerite Turgeon, deviendra meunier à St-Mathias en 1766-67. Il avait 28 ans lors de la pendaison de son oncle. Il connaissait son oncle. Il savait tout de l’affaire. On peut même penser qu’il avait appris l’art de la mouture auprès de son oncle Joseph. Le meunier Louis Nadeau (1732-1811) prendra épouse (Françoise Cazeau) à Château-Richer et viendra avec ses enfants gagner sa vie dans notre région. Il aura l’honneur d’être inhumé dans l’église le 30 juillet 1811. Neuf de ses enfants prendront épouses dans la région. Son fils François deviendra aussi meunier. Plusieurs descendants Nadeau habitent encore autour du bassin. Des chercheurs de la Société d’histoire préparent actuellement leur publication d’automne qui s’intitulera Le temps des meuniers. Nous évoquerons les moulins et les fariniers d’autrefois. Paul-Henri Hudon Pour en savoir plus: Gaston Deschênes, L’année des Anglais, Septentrion, pp 114-117. Illustration: Wikipédia, Moulin à vent de Pointe-du-Moulin. Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.