On trouve en Nouvelle-France quelques rares contrats mentionnant l’expression: «Pour payer les épingles de la venderesse». Qu’en est-il ? Qu’est-ce que cela signifie?
Voici un exemple déniché au cours de mes recherches: «Cette vendition (sic) est faite moyennant la somme de 3 600 livres en marché principal, et cent livres pour les épingles de la dite venderesse (Vente de Jacques Roussel et Geneviève Bérubé à Pierre Plourde. Notaire Joseph Dionne, 2 mai 1751). Pierre Plourde devra donc remettre à Geneviève Bérubé 100 livres en supplément. Ce qui faisait monter le prix d’achat d’un terrain. Les linguistes décideront si la locution «monter en épingles» provient ou pas de cette ancienne pratique commerciale de surenchère. Les épingles désignent un présent que l’acheteur donnait à la femme du vendeur en sus du prix de la vente ou du marché conclu (Dictionnaire du notariat, tome 3, p. 833). La remise à titre d’épingles ne faisait point partie du prix de vente. C’était un supplément pour satisfaire certaines exigences de la dame venderesse. On peut comprendre que la venderesse n’aurait pas accepté la vente par son mari de ce terrain, sur lequel elle détenait quelque droit (peut-être par héritage ?), sans cette compensation. C’était donc une sorte de pour boire, un par dessus le marché. On devait en rire dans le village et y voir une sorte de chantage. Une semblable expression en France, «payer les épingles de Madame» pouvait signifier qu’une maîtresse femme recevait de son mari des sommes d’argent, sans quoi elle menaçait des représailles. Ces épingles étaient juridiquement considérées comme une sorte d’aliment. (On dirait aujourd’hui une pension alimentaire). La femme française, semble-t-il, pouvait exiger ces revenus en évitant une séparation factuelle. «François, tu me payes des épingles, où je fais un scandale!» Le scandale pouvait être de fuir le foyer, ou de dénoncer les incartades du Monsieur. Dans ce cas, les épingles étaient vues comme une arme à la femme contre son mari. Ce dernier, littéralement, s’est fait épinglé! Donc il ne s’agissait pas de remettre à madame des aiguilles ou un paquet d’épingles en nature. Mais une somme d’argent. Alors pourquoi l’expression épingles, plutôt que des francs? D’où vient-elle? Peut-être pour cacher le honteux commerce d’argent entre mari et femme. L’humiliant déshonneur d’un marchandage, là où on attend de la gratuité charitable. Qui sait? Mais aujourd’hui, chacun tire son épingle du jeu? Paul-Henri Hudon Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.